Si Michel Audiard n’a jamais eu la chance de connaître l’âge d’or des produits dérivés, le dialoguiste visait pourtant dans le mille lorsqu’il écrivait que « deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche ». Applicable à bien des pans de nos vies, cette citation culte prononcée par Maurice Biraud dans « Un taxi pour Tobrouk » résume en effet à merveille la situation des trésoriers et dirigeants d’entreprise en matière de gestion du risque de change. Et pour cause, sans conséquence en temps de paix, l’inaction chronique de certains décisionnaires se paie au prix fort lorsque l’histoire économique et géopolitique reprend son cours. 

Post-anesthésie, le réveil est alors brutal. Mais plutôt que de ruminer sans cesse les erreurs du passé, mieux vaut savoir en tirer les enseignements nécessaires et aller de l’avant.

Aux origines de l’inaction

Privés de notre pleine liberté d’agir par les mesures sanitaires, aurions-nous perdu le goût de l’action ? Peut-être. Mais au lieu d’accabler la pandémie de tous nos maux, admettons plutôt que l’être humain présente un penchant naturel pour l’inaction.

« Fight, flight or freeze »

Nos instincts naturels reposent sur trois grands mécanismes de défense : la fuite, l’affrontement et… l’immobilité ! Face au danger, la peur nous coupe les jambes, tétanise nos muscles, glace notre sang et retient notre souffle. Et pour cause, qu’elle revête les atours de la procrastination ou du perfectionnisme, la peur n’a alors qu’un objectif : repousser le moment fatidique de l’action.

Crise sanitaire, conflit militaire, poussée inflationniste, remontée des taux… Dans un contexte aussi tendu, la tentation de faire l’autruche et d’attendre que le mauvais temps passe de lui-même est forte. Pourtant, faire le dos rond et rester les bras ballants à attendre des jours meilleurs ne suffit que rarement à se tirer d’affaires lorsque la concurrence, elle, prend son courage à deux mains et se retrousse les manches. Les entreprises exposées à la paire EUR/USD et n’ayant pas mis en place les stratégies de couverture appropriées en temps et en heure peuvent d’ailleurs aujourd’hui en témoigner. Avec une chute de près de 20% en 12 mois, les dégâts enregistrés sont tout simplement effrayants, tant en termes de marges que pour les employés, les partenaires commerciaux et les investisseurs…


Trouver l’inspiration 

Bien que grand nombre d’entreprises aient été pénalisées par la chute de l’euro et l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières, certaines ont heureusement réussi à tirer leur épingle du jeu grâce aux actions menées par leurs dirigeants et trésoriers. Ni moutons ni super-héros, ces professionnels ont tout simplement su passer à l’action avec pragmatisme, sans faire aveuglément confiance à la boule de cristal de leur conseiller bancaire, ni pour autant jouer les apprentis traders en quête du timing parfait. Aux antipodes des réactions souvent épidermiques et émotionnelles des marchés financiers, cette approche raisonnée de la couverture du change trouve bel et bien ses racines dans les fondamentaux économiques de l’entreprise.

Certes, si ce « bon sens paysan » parfois injustement moqué par les plus arrogants n’est pas des plus sexy, il permet néanmoins à l’entreprise de traverser les crises avec davantage de sérénité ; une condition nécessaire pour espérer croître durablement.

« C’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui se baignent nus » aime à rappeler l’investisseur Warren Buffet. Aujourd’hui, avec la fin des politiques monétaires accommodantes et le retour de la volatilité, la mer se retire.

Peut-être remontera-t-elle. Peut-être restera-t-elle ainsi un moment. Ou bien peut-être descendra-t-elle encore plus bas. Qu’importe. Tenter une fois de plus de faire des prédictions ne sert à rien, mieux vaut tout simplement se couvrir… et enfiler son maillot de bain ! Regarder dans le rétroviseur ne permet pas de prédire l’avenir, mais cet exercice a toutefois le mérite de donner une idée du champ des possibles. 

En prenant un peu de recul, la relative stabilité des dernières années semble alors à bien des égards faire figure d’exception tant devises, matières premières et ressources énergétiques ont pu voir leurs cotations bringuebalées au gré de l’histoire.

Grâce à la piqûre de rappel reçue en cette première partie d’année, les entreprises ont en cette rentrée l’opportunité de se réveiller avant qu’il ne soit trop tard et d’effectuer les actions nécessaires pour se remettre en selle.

Qui aurait cru que le confinement prendrait de telles proportions, que les démonstrations militaires russes dégénéraient à ce point et que l’inflation et les taux d’intérêt s’envoleraient aussi vite ? Bien peu de monde.

Jouer l’avenir de son entreprise sur un coup de dés n’est pas responsable, a fortiori lorsque 30 minutes suffisent à prendre en main votre gestion du risque.

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